Cette page présente quelques unes de mes réflexions à la lecture des romans de Kundera. Ecrite il y a maintenant quelques années, elle n’évolue plus. Je ne suis pas une spécialiste de Kundera, et cela fait longtemps que je n’ai pas relu ses romans. Si vous avez une question à ce sujet, je ne suis sans doute pas la bonne personne à qui la poser…
Les romans que j’ai lus
Voici une liste des ouvrages que j’ai lus, ainsi qu’une courte présentation de chacun d’eux, quelque peu lapidaire et donc forcément injuste:
- L’insoutenable légereté de l’être
- Il s’agit de l’histoire de Teresa et Tomas, de la faiblesse de Teresa, plus forte que Tomas-le-coureur. Il s’agit aussi de l’histoire de Sabina. Il s’agit de la trahison, du kitsch. Peut-être même est-ce un roman d’amour?
- La vie est ailleurs
- Un roman que l’auteur aurait aimé voir s’appeler L’âge lyrique, qui nous raconte l’histoire de Jaromil, poète, flirtant avec le communisme, fils de sa mère.
- Risibles amours
- J’ai un souvenir très flou de ce livre : plusieurs histoires, très certainement au sujet d’amours risibles . Le souvenir vague d’un infirmière et d’un réchaud à gaz.
- Le livre du rire et de l’oubli
- Pas un souvenir très clair, là encore. Oui, il s’agit de l’histoire de Tamina. Oui, elle se termine sur une île (dans quel monde?). Une impression de grande lassitude apparaît quand je pense à ce roman. La lassitude de Tamina.
- L’immortalité
- Peut-être le meilleur roman de Kundera. On y rencontre en vrac: Agnès qui voudrait marcher dans la rue les yeux fixés sur un myosotis; l’auteur, le professseur Averranius(?) et Diabolum; Goethe et Bettina, etc… Un geste gracieux sert de fil conducteur au livre, les diverses parties se répondent et se complètent. Sans doute le roman de Kundera dont la construction est la plus élaborée et la plus réussie.
- L’art du roman
- Pas un roman, mais un essai, une réflexion sur le roman : son importance dans l’histoire, la façon dont Kundera envisage ses propres romans, etc…
- Les testaments trahis
- Encore un essai, sur les artistes et leurs oeuvres, ce qu’il advient de ces dernières lorsque l’artiste a disparu, et/ou que d’autres s’en emparent.
- La plaisanterie
- L’histoire de Ludvik, dont la vie a basculé à cause d’une simple plaisanterie, dans un roman dont la construction mêle passé et présent.
- La valse aux adieux
- Un livre très ironique, dont l’histoire se déroule sur 5 jours. Les sujets abordés sont graves, mais traités de façon légères: la preuve par l’exemple de l’imbrication du roman et de l’humour, chère a Kundera. Il y a peut-être trop de personnages intéressants dont la présence ne me paraît pas claire (l’Américain par exemple). Si vous pouvez m’éclairer…
- La lenteur
- La « suite » de l’immotalité en quelque sorte : on croit être revenu avec Agnès sur le chemin. La construction est très proche de L’immotalité : plusieurs personnages de différentes époques, des « troublions », etc..
- L’Identité
- Celui-là est bien différent : pas ou peu de digression, pratiquement un seul sujet, 2 personnages seulement. C’est sacrilège, mais parfois, on se croierait dans Le Zèbre d’Alexandre Jardin (en trente six mille fois mieux, bien sur!).
Ce sont sur ces lectures que je base mes commentaires, qui n’ont pas pour vocations d’être pris trop au sérieux.
Sur la forme
Lorsque j’ai découvert Kundera – avec L’insoutenable légereté de l’être– j’ai été tout d’abord frappée par la forme. On ne nous raconte pas simplement une histoire avec des personnages : il s’y mêle aussi des réflexions de l’auteur sur divers sujets, en rapport avec l’histoire des personnages, ou avec une situation qu’ils rencontrent. Ou ce sont d’autres personnages ou situations – historiques par exemple – qui se mêlent à l’histoire principale. Ce mélange est réalisé de façon intelligente, et il donne au roman une saveur particulière.
C’est après avoir lu L’immortalité que j’ai été touchée par l’intelligence du découpages des romans, généralement, en 7 parties : chacune a sa propre force, sa propre cohérence et pourtant l’assemblage final n’a rien d’artificiel, il ne s’agit pas d’une simple juxtaposition. Il se dégage du sens de cette organisation : une partie en explique une autre, aborde le même thème sous un angle différent. D’autre part, il s’en dégage aussi un rythme particulier : une idée qui se répète d’une partie à l’autre, un personnage vu de divers points de vue, autant de motifs qui donnent toute son unité au roman et donnent au lecteur un véritable plaisir.
L’originalité du romancier, qui se révèle par cette construction particulière, apparaît aussi dans l’absence des descriptions. Les personnages nous sont présentés en fonction des situations qu’ils vivent, et non pas en fonction de leur passé, de leur milieu social, de leur éducation. On ne sait rien a priori de leur histoire -même si celle-ce peut se dévoiler en raison d’un comportement particulier du personnage-, on ne sait rien de leur physique. Cette façon de procéder est révélatrice du but que Kundera se fixe dans l’écriture de ces romans : étudier une situation humaine jusqu’au bout. Dans cette optique, le personnage s’efface au profit de ce qu’il vit. Ce qui ne veut pas dire que les personnages sont pâles, sans épaisseur, sans intérêt.
Kundera utilise un autre procédé, qui me paraît beaucoup moins naturel : il s’agit de l’introduction de rêve dans certains romans. Je pense à la partie sur l’Ile dans Le livre du rire et de l’oubli par exemple, ou au personnage de Xavier de La vie est ailleurs, ou encore à la description des rêves de Teresa dans L’insoutenable… Ces passages me « choquent » toujours un peu : j’ai du mal à voir leur intérêt. Même si en ce qui concerne La vie est ailleurs, l’épisode Xavier apporte un vue supplémentaire sur Jaromil et une cohérence encore plus grande de l’oeuvre grâce à ce motif qui intervient à des passages différents. Par contre, pour Le livre du rire et de l’oubli, le passage onirique me paraît plus laborieux, moins bien inséré dans le roman, bien qu’il soit assez long. Mais peut-être devrais-je le relire? Par contre, c’est bien réssi dans L’Identité : on ne sait plus très bien où on en est à la fin, mais qu’importe, l’auteur a bein dit ce qu’il voulait dire. Quant à L’insoutenable …, certes on découvre une partie cachée de Teresa grâce à ses rêves, mais le procédé me semble artificiel : pourquoi passer par les rêves? N’y avait-il pas de moyens plus naturel?
Sur le fond
Une fois la forme acceptée et adoptée, le propos apparaît. D’après l’auteur, le but du roman est d’explorer jusqu’au bout une situation humaine. Généralement, l’idée principale est dans le titre du livre, même si celui-ce n’est pas toujours bien choisi. C’est le cas de La vie est ailleurs ou de L’Immortalité, qui me semble illustrer bien mieux le thème de l’insoutenable légereté de l’être que ne le fait le roman éponyme, ce dernier me semblant être plus basé sur la force de la faiblesse. Chaque roman met en scène divers personnages dans des situations particulières. On ne connaît pas leur vie entière, seulement ce qui est intéressant pour une situation donnée. Et la réflexion s’installe à partir de là, à partir de l’évolution de la situation des personnages.
Il y a aussi des thèmes « récurrents », qui apparaissent dans les réflexions qui jalonnent chaque ouvrage. J’en citerais quelques uns.
L’humour, l’ironie
Soit qu’il en parle (dans les essais), soit qu’il l’utilise (La vie est ailleurs), soit que ce soit les personnages qui en usent (La plaisanterie), c’est un thème qui revient souvent. Kundera explique à quel point humour et roman sont liés, et en quoi il y a là une sorte de spécificité du roman. Pour avoir une bonne idée du genre d’humour qui sied au roman, lire La valse aux adieux, où il me semble que Kundera va très loin dans l’humour.
Le lyrisme et le kitsch
Abordés dans La vie est ailleurs et L’insoutenable… ces thèmes me paraissent liés, le deuxième étant une version plus large du premier. La critique de ces 2 comportements est fortement rattaché au thème qui précède : pour les dénoncer Kundera utilise l’ironie. Prenons l’exemple de Jaromil : il n’est pas un mauvais poète, mais c’est l’ironie dans le ton du récit qui « ridiculise » son attitude (on peut aussi penser à l’épisode des caleçons). De même, on pourrait citer la scène du journaliste qui saute sur une mine du Vietnam lors d’une marche humanitaire. Le peu d’importance qui est accordé à ce fait par les marcheurs renforce le ridicule de cette marche pleine de bons sentiments. Par contre, les formulations qu’emploient Kundera sur le kitsch me touchent assez peu. Autant certaines de ces métaphores font mouche, permettent de comrendre une situation ou une idée autant je reste hermétique à celles sur le kitsch…
Le respect de l’auteur-artiste
Ou comment se comporter en face d’une oeuvre. Ce thème apparaît surtout dans les 2 ouvrages de reflexions, dans L’immortalité aussi.
Par exemple au sujet des traductions, qui touche Kundera qui a longtemps écrit en tchèque. Il déplore le fait que les traducteurs ne se « contentent » pas de traduire, mais réecrivent parfois des parties de l’oeuvre (supprimant par exemples les répétitions). Que devient le travail de l’artiste après cela? Il faut noter que toutes les traductions françaises de Kundera ont été revues par l’auteur, et par conséquent, lorsqu’on parle d’un de ses romans, on parle vraiment du roman (et non pas d’une image dans le miroir déformé de la traduction).
Ensuite, on peut parler de ses réflexions sur Kafka et les kafkologues qui ont dénaturé l’oeuvre de l’auteur en y ajoutant des interprétations, en noyant la création sous le poids de la biographie revue et corrigée; des versets sataniques dont les qualités littéraires ont été « oubliées », il valait mieux se pencher sur la polémique que le livre a suscité, etc… Kundera développe son point de vue sur la disparition de l’oeuvre, de la création, drrière les commentaires et les à-cotés. Il propose, en quelque sorte, un code de bonne conduite vis-à-vis des oeuvres, de façon à respecter ce que l’artiste a voulu dire (et par la-même d’apprécier cette oeuvre). Il dénonce ce qu’on pourrait appeler « la récupération » des oeuvres et des artiste après la mort de leurs auteurs : on peut songer à ce qu’a fait Bettina de Goethe (voir L’immortalité), ou encore ce que sa mère fait de Jaromil pendant qu’il agonise, tout en contradiction avec ce qu’il était, mais tout en confirmité avec l’image qu’elle s’en faisait.
Le corps humain
On ne peut pas parler véritablement d’un thème, mais il est vrai que le corps humain est très présent dans l’oeuvre de Kundera. Je pense à Jaromil et la piteuse histoire avec ses sous-vêtements. Je pense à aussi à La valse aux adieux avec cette infirmière, et ces femmes dans la piscine. A Teresa et à ses intestins, ce qui nous mène droit à L’Identité. Enfin à Agnès qui se regarde dans le miroir, essayant de se reconnaître, ce qui nous amène encore à L’Identité… C’est-à-dire à l’adéquation entre notre corps et notre « moi » : qui est Chantal si on peut la confondre à une autre femme. Et pour elle-même? Si personne ne la regarde, qui est-elle? Le corps et ses imperfections qui laissent songeur face à Dieu. Le corps tellement humain. En fait, c’est souvent cela : les personnages sont rappelés à la réalité par leur corps : l’entomologiste tchèque et sa dent dans La lenteur, Chantal et sa rougeur… C’est dommage que ce côté-ci ne soit pas plus « exploité » : ou alors ne peut-on l’aborder que du point de vue de l’identité?
Bien évidemment, les réflexions de Kundera n’ont pas valeur de vérité, mais la justesse des propos qu’il tient et l’intelligence avec laquelle il les expose méritent qu’on s’y intéresse.
Autres remarques
Je termine par quelques considérations en vrac, questions qui me sont venues à la lecture…
Qu’est-ce qu’un roman? Kundera donne sa définition. En accord avec celle-ci, que dire des livres de Patrick Modiano? Et L’exposition coloniale? Simple récit?
Réflexions intéressantes sur la culpabilité : le coupable innocent qui cherche sa faute… La culpabilité et l’artiste? Que penser de Céline ou Drieu La rochelle?
La légereté : on ne peut pas revenir en arrière, corriger ses fautes, avoir une seconde chance. L’insoutenable … est-il un roman d’amour?
La musique : en lisant L’immortalité, j’ai eu l’impression d’une composition semblable à celle d’une oeuvre musicale. Je n’y connais rien (sauf ce que m’a apporté la lecture de Go¨del, Escher et Bach), et voilà que l’auteur en fait lui-même la remarque… Et dans ce que j’ai écrit, la même impression: des romans comme une oeuvre musicale…
Dernière modification : 07-Sept-2001
Bonjour. Pourrais je utiiser votre article sur l’oeuvre de Kundera pour une publication sur mon propre blog. Je remanierais un peu le tout, mais sans trahir votre discours. Mon site est http://devotionall.over-blog.com Merci beaucoup et bon week en.
C’est possible : comme indiqué sur la page Mention Légales (voir lien à gauche dans Informations) , vous pouvez réutiliser les textes, et la plupart des photos de ce site sous les conditions stipulées dans le contrat Creative Commons (http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/deed.fr). En résumé :
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Kundera raconte des âneries! Trop influencé encore par le communisme qu’il a quitté.
Vive le coeur, l’amour, le romantisme et le lyrisme !
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